lundi 24 février 2014

La France déprime, moi non plus



Alors que je m‘étais levé guilleret ce matin là, et que je me régalais d’un excellent croissant au beurre, j’eus la malencontreuse idée de jeter un coup d’œil distrait sur l’édition dominicale de mon journal Ouest-France qui titrait en page 3‘’Le moral des Français en chute libre’’.

Une dégringolade de 19 points par rapport à janvier 2013, un graphique évoquant  le parcours d’une étape de montagne du Tour de France avec une arrivée au terme d’une descente vertigineuse dans un brouillard épais dont n’émergeait qu’un maigre peloton  de 30% d’incorrigibles optimistes.

Comme  si le choc du graphique ne suffisait pas, le journaliste y ajoutait le poids des mots afin de gâcher définitivement mon petit-déjeuner et réveiller mes maux d’estomac. Si j’avais eu le temps et la décence d’enfiler mes chaussettes, mon moral s’y serait probablement tapi.

J’aurais pu me contenter de regarder les images, j’aurais ainsi  conservé en toute innocence ma bonne humeur primesautière et ne remarquer que la sensationnelle inversion de cette  courbe à la baisse exceptionnelle dépassant toutes les espérances des habitants d’une Normalie dépressive.

Au cas où la ligne chaotique de l’optimisme hexagonal établie depuis février 1995 ne suffisait pas à édifier le lecteur, mon quotidien préféré avec l’aide de l’institut IFOP nous proposait sous forme de colonnes l’évolution du sentiment de nos compatriotes dans l’action du gouvernement d’août à décembre 2013 dans quatre domaines.

Les colonnes de décembre concernant la lutte contre l’insécurité, la protection de l’environnement et la lutte contre le chômage semblaient s’enfoncer dans le sol comme des immeubles construits  sans respect des  normes parasismiques.

La confiance des Français s’étiolait même si sur le sujet concernant la baisse des impôts un noyau  dur de 12%  s’accrochait comme une bernique sur un rocher armoricain à la conviction qu’ils finiraient par baisser au moins globalement faute de contribuables solvables.

Envahi par un sentiment de culpabilité, j’avais finalement vomi mon croissant, ce qui constituait ma première victoire contre le cholestérol mais aussi mon entrée probable dans une zone dépressionnaire qui était plus ‘’raccord’’ avec la météo du moment.

La litanie de catastrophes plus ou moins naturelles subies par l’hexagone depuis le printemps 2012 avait de quoi nous plonger dans une profonde mélancolie que même les savoureuses blagounettes de notre timonier n’arrivaient pas à nous sortir.

Je compris enfin la célèbre citation d’Anatole France "Tous les changements même les plus souhaités ont leur mélancolie"
Et même si je ne souhaite pas filer le bourdon aux éternels insouciants, dois-je rappeler sans prétendre à l’exhaustivité, l’exil involontaire du compte bancaire de Cahuzac, la fuite des cerveaux à l’étranger comme l’emblématique Léonarda, le peu de sens civique des portiques bretons renâclant à remplir l’escarcelle de Bercy etc.

Si vous ajoutez le manque de solidarité de notre voisin anglais prêt à dérouler le tapis rouge à nos exilés fiscaux et qui nous envoie en contre partie un lot de dépressions atmosphériques humides, il y a de quoi faire une déprime ou à tout le moins un rhume de cerveau.

Et pourtant, les sympathisants socialistes se déclarent majoritairement optimistes pour leur avenir à 54%, ce qui prouve une estime de soi bien supérieure à la moyenne nationale toujours associée à un bien être psychologique.

Heureusement, taraudé sournoisement par mon surmoi de gauche qui a survécu à toutes les intempéries et par  mon goût immodéré pour les croissants au beurre, j’ai refermé mon canard en sifflotant le générique de ‘’Plus belle la vie’’, le spleen ne m’avait envahi que quelques fugaces minutes

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