vendredi 25 octobre 2013

La gôche, ce rêve inaccessible



Au début de l’histoire que nous situerons dans les années cinquante par pur égotisme, être de gauche était relativement simple et ne nécessitait aucune compétence particulière, ni même aucune grandeur d’âme. 

La preuve, l’auteur de cet article s’est prévalu pendant de longues années d’être viscéralement de gauche sans posséder une once de légitimité ni les qualités requises, au seul prétexte qu’il était né dans un milieu ouvrier.

Aujourd’hui cette revendication à se prétendre de gauche sans en avoir les qualités intrinsèques pourrait être passible de poursuites judiciaires sous le chef d’inculpation d’usurpation d’identité. A cette époque bénie, il existait deux grandes enseignes de gauche : le Parti Communiste et la SFIO. 

  La place à droite étant prise par un géant à képi difficilement déboulonnable, un entrepreneur en politique aux convictions fluctuantes fit une OPA sur la gauche et prit la tête du Parti Socialiste en 1971. Ce fut le début de sa mutation orthographique et sociologique.


L’ouvrier, alors objet de toutes les attentions, au point qu’il était urgent de ne jamais désespérer Billancourt,  s’est mué en beauf borné et forcément raciste, il a fini par décevoir cruellement l’intelligentsia de gauche qui s’évertuait en vain à lui inculquer des préceptes humanistes.


Car s’il n’est pas éclairé par des esprits lumineux le franchouillard moyen, ouvrier, employé, paysan,  peut devenir ce facho ordinaire que les apparatchiks solfériniens savent si bien détecter. Si elle aime et veut le bonheur du peuple, la gauche se méfie des individus qui le composent dont la médiocrité et l’ingratitude les attristent. 


Bien sur, l’intellectuel gauchisant s’est souvent fourvoyé lui-même avec des emballements successifs pour Staline, Mao, Pol Pot et autres despotes lumineux mais il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron.  D’ailleurs cette dernière rime riche ne pouvait qu’inciter à la défiance de ceux pour qui la  finance est l’ennemie jurée.


 Le déclin de la classe ouvrière aidant, le  premier François de la planète socialiste, dont le sourire carnassier cachait mal une denture acérée eut vite fait de réduire son allié à une portion congrue.


 Insensiblement, mais inexorablement la gauche Front Populaire, devint dans les années 80 une gauche dite caviar ainsi labellisée par des aigris devant se contenter de tartiner leurs toasts avec des œufs de lump. Dans les salons mondains, prononcée avec délectation la bouche en cul de poule, la gauche céda la place à la gôche. 


Son navire amiral, le parti socialiste se transforma en  une officine  sociateliste, tandis que le moignon du parti communiste se greffa sur le front de gauche du défroqué vitupérant de la chapelle solférinienne, Jean Luc Mélenchon.


La gauche bobeauf,  islamophile, xénophile, homophile, écolophile, diversitéphile ne  tôlera plus qu’une seule phobie, la prolophobie à condition toutefois qu’elle soit dirigée essentiellement contre le prolo blanc, souchien et  hétérosexuel. Elle venait d’inventer un nouveau mode de tri sélectif.


Elle  entonna son nouveau crédo ‘’la préférence immigrée’’ comme l’illustra l’épisode du Sofitel de New York qui nous montra un DSK vigoureux totalement affranchi  de préjugés racistes.


En mai 68 nous étions devenus des juifs allemands, ce qui était particulièrement courageux de notre part et frisait l’oxymore deux décennies plus tôt, maintenant nous nous devions d’être des roms kosovars.  Alors évidemment, des cerveaux moins bien finis que ceux de nos élites sont un petit peu déboussolés devant ces identités successives.


Aussi, beaucoup d’entre nous ont pris conscience qu’ils n’étaient pas équipés moralement, qu’ils n’avaient pas le niveau, qu’ils péchaient par égoïsme, qu’ils avaient moins de goût pour l’altérité exotique que d’inclinaison pour celle de proximité, ce qui les rendaient incompatibles avec tous ces beaux esprits.


Il était tentant d’implorer le grand prêtre officiel de ‘’l’ordre juste de la fermeté et de l’humanité’’ afin d’espérer s’approcher de l’autel pour communier « Harlem, nous ne sommes pas dignes de recevoir ton saint bréviaire  mais dit seulement une parole et nous serons guéris ».


C’était évidemment une supplication vaine, la gôche resterait désormais pour nombre d’entre nous, une impossible et illusoire quête du Graal, un rêve inaccessible.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire