Je vous parle d´un temps que les moins de vingt ans ne
peuvent pas connaître, le printemps en ce temps là, accrochait ses lilas jusque
sous nos fenêtres, Stravinsky pouvait sacraliser cette saison en composant son célèbre ballet qui fit scandale à sa
création, et Vivaldi nous tromper éhontément en nous vendant la fable musicale de
ses quatre concertos saisonniers pour violons.
L’on ne peut donc que se réjouir de la disparition de ces
vendeuses ambulantes qui sillonnaient les rues de nos grandes villes en abusant
de notre crédulité en se faisant appeler abusivement ‘’marchandes des quatre
saisons’’.
Car nous le savons bien, nous habitants de l’hexagone en 2013, le printemps n’existe pas ou plus
exactement est entré dans un cycle de dépressions dont il n’arrive pas à
s’extirper et est plongé dans une léthargie probablement provoquée par une
carence en vitamine D.
En un mot, ce printemps est pourri.
Et pourtant, au début, le printemps avait bonne réputation, après
celui mémorable de Prague vint l’arabe, le
printemps, étymologiquement c’est le premier temps, le début de l’été en
quelque sorte, une nouvelle ère, une renaissance.
Celui qui avait éclos
en Tunisie en décembre 2010 et s’était étendu à Égypte produisait des bourgeons prometteurs de liberté et d’espoir qui
se sont hélas étiolés rapidement.
L’autre Printemps, gaulois, celui là, emblème d’une chaine de magasins dédié à la
mode et au chic français vient même d’inventer le concept de soldes suprêmes.
Pour oser accoler solde à suprême la situation doit être grave pour lui aussi.
Nous connaissions déjà le mariage de cour, d’instant, d’honneur,
de volonté avec l’adjectif concerné et
même de délices gastronomiques comme le suprême de volailles et autres
fantaisies culinaires mais la braderie suprême nous semble avoir un petit air
de liquidation judiciaire.
Et voilà que notre primesautier ministre de l’intérieur se
met en tête d’interdire, que dis-je, de dissoudre le printemps français. S’il
est communément admis qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, le premier
flic de France a le pouvoir de le
défaire.
Mais enfin, pourquoi s’acharner autant sur une saison si mal en point, n’est ce pas
comme tirer sur une ambulance? ses bataillons de CRS n’ont –ils pas d’autres
cibles à bastonner et à gazer que ce printemps dépressif et cacochyme ?
Comment un ministre socialiste peut-il s’attaquer sans
vergogne à un avantage acquis même réduit à ses maigres acquêts. Je rappelle
que nos ancêtres ne considéraient vraiment que deux saisons, l’été et l’hiver.
Le printemps n’étant en l’occurrence que le lever de rideau de l’été. Quid également du printemps de Bourges ?
Toutes ces questions existentielles me taraudaient l’esprit et
je n’avais même pas évoqué le sort de ces fameux rouleaux japonais lorsque je
m’apprêtais à conclure cette chronique printanière
en forme de notice nécrologique.
Heureusement, un ami de passage eut la bonne idée de vouloir
relire ce billet, il me fit remarquer qu’il
y avait méprise de ma part, que ma lecture était restée trop superficielle et
que je ne devais plus me contenter de lire les titres des gazettes si je
voulais continuer à prétendre commenter l’actualité
Il m’expliqua alors doctement que ce n’est pas le temps pluvieux et nuageux d’un
printemps automnal que notre ombrageux catalan veut éradiquer mais un
groupuscule tout aussi nébuleux et à l’appellation incontrôlée qui a fait si peur
aux enfants et à nos gouvernants dans les récentes manifestations tout en
épargnant miraculeusement les vitrines et les voitures.
Nous voila rassurés, ce printemps dépressionnaire pourra
continuer à déverser ses tombereaux de pluie et son festival de giboulées pendant que nous nous abandonnerons
langoureusement à notre habituelle dépression saisonnière.
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