Ça m’était arrivé fin aout 2012, le spleen de la fin
prochaine de l’été associé à une photo de Jack Lang, icône de l’éternelle
jeunesse vue dans un quelconque magazine, car à cette période de l’année les
journalistes recyclent leurs marronniers et l’homo festivus de service.
J’avais décidé
soudainement de ne plus être jeune et avais même cru bon pour éviter ensuite de
me renier de le crier dans une chronique à la face de quelques rares lecteurs,
probablement coincés dans un mobil-home en attendant que la pluie veuille bien
cesser afin de finir leur partie de boules.
Bien entendu cette décision courageuse et irréversible
était, je vous le concède, assez facile à prendre, d’autant qu’il y avait
quelques décennies qu’aucune personne de censée, ne m’avait pris pour un jeune.
J’avais bien développé quelques arguments pour étayer cette
résolution mais je sentais parfois ma
détermination vaciller et craignais de retomber à nouveau dans une’’ jeunite’’
aigue dont seule la mort pourrait me délivrer.
Longtemps j’avais rêvé de mourir jeune et en bonne
santé comme certains héros de mon
adolescence mais l’âge avançant, je décidais de prendre mon temps, de musarder
en chemin, de freiner l’allure.
Alors mourir jeune et même en ayant l’air
de, devenait une gageure, un défi qu’il
m’était de plus en plus difficile à relever.
C’est alors que je lus dans le Monde un entretien avec un
écrivain philosophe Georges Steiner qui s’exprimant sur la jeunesse Française
parlait de jeunesse acédique. Benoitement je crus qu’il s’agissait de la
création d’un néologisme se rapportant aux allocations chômage et donc
d’une invention langagière assez désespérante pour nos jeunes pousses.
Je décidais donc d’aller plus loin et de lire ce que disait
cet érudit sur cette acédie qui frapperait notre jeunesse et ce que recouvrait
ce mot , sa signification, mais aussi parce que j’ai toujours éprouvé une
grande appétence pour les vocables rares.
L’acédie, un mot d’origine religieuse, désigne ce qui est
plus qu’un vague à l’âme passager, une torpeur spirituelle, une inclinaison à
la paresse, à l’apathie. Steiner n’est pas tendre avec la jeunesse actuelle
dont il estime « qu'elle est un peu
plus abrutie que celle des générations précédentes et qu’elle est inculte,
franchement inculte, dotée de connaissances plus que vagues dans tous les
domaines, l'histoire en particulier »
Évidemment, il exagère un peu en noircissant le tableau qu’il peint de cette
jeunesse. On pourrait lui rétorquer qu’elle arrive à se sortir de cette apathie
quand il s’agit de célébrer avec une ferveur exubérante le titre du PSG et même
d’émerger de sa torpeur spirituelle quand elle s’enthousiasme pour ‘’Allo non,
mais allo quoi" de Nabila qui est à cette génération ce que fut pour les
précédentes la ‘’tirade du nez’’ de Cyrano en plus concis.
Il finit même par lui trouver des circonstances atténuantes
implicites quand il décrit notre société contemporaine avec cette inflation de
normes, cette frénésie légiférante qui étouffe toute velléité créatrice et
finit par asphyxier l’initiative individuelle comme un boa constrictor le fait
de sa proie.
Le reste de sa démonstration était plus politique et par
conséquent plus polémique mais ce que j’avais lu me suffisait, il n’était pas
envisageable d’ajouter à tous les maux dont je souffrais un autre mal même si le mot qui le qualifiait me
séduisait.
Au moins la vieillesse, si elle est un naufrage nous préserve
t-elle de l’acédie.
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