C’est décidé, je ne veux plus être jeune, avoir l’air jeune,
et même ancien jeune, c’est trop lourd à porter. C’est la faute des médias, ils
me rendent pédophobe. J’ai eu cette révélation en lisant les commentaires des
journaux ce matin, les jeunes avaient encore sévi et je ne pouvais supporter
plus longtemps de leur être assimilé. Instantanément, j’ai renié le jeunisme et
me suis converti au vieillisme (néologisme pas encore homologué). Je ne voulais
plus que l’on me prenne pour un jeune.
Les écoles qui brulent, les salles de sport dans lesquelles
on allume le feu, les autobus caillassés, les petites mémés agressées, enfin toute
cette litanie de faits divers et même d’été, car les jeunes ignorent les
saisons, me conduisent à devenir gérontophile. Gérontophile, ce n’est pas
réprimé par la loi, ce n’est même pas considéré comme une perversion, ou si
peu.
Avant, quand j’étais chevènementiste, je me disais que ces
exactions ne pouvaient être que le fait de sauvageons, puis devenu sarkozyste
,personne n’est parfait, je me lâchais un peu plus et je parlais de racailles. Un
jour, pour faire vraiment djeun, j’ai même
osé le mot caillera.
Ce grand écart idéologique peut paraitre surprenant mais
l’inconstance est une particularité de la jeunesse, si je l’étais resté,
j’aurais probablement emprunté au vocabulaire trotskiste et aurait évoqué le
malaise de jeunes prolétaires exploités par des patrons voyous. Cette
vieillesse subite m’en aura préservé, on perd de la laxité tant idéologique
que ligamentaire en vieillissant.
Ma voisine de palier, bien élevée,parlait,elle, dans un
langage désuet, suranné, de voyous, de délinquants juvéniles. Et bien, nous
avions tous les deux sémantiquement tort. Les responsables de ces méfaits, ce
sont les jeunes dans leur globalité, même pas des jeunes ou quelques jeunes. Non,
les jeunes, vous dis-je. Les médias qui pratiquent l’euphémisme de façon
subtile en ont décidé ainsi. Par paresse, par déni du réel, par souci du
politiquement correct ou, restrictions budgétaires obligent, en raison d’une
certaine pauvreté lexicale.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela m’a foutu un
coup de vieux. Il y a peu, être jeune et le rester le plus longtemps possible
était l’une de mes obsessions, je cultivais mon corps, certes un peu décati, dans
un club de musculation. J’avais même,
selon mon entourage, tutoyé dangereusement à une époque le syndrome de Peter
Pan.
Pourtant pendant toute ma jeunesse extensible pendant
laquelle j’ai vécu comme un enfant-adulte roi, j’ai été parfaitement heureux. Capricieux,
ne supportant pas la frustration, dès que ma dulcinée prétextait une migraine
je la menaçais d’aller me jeter dans les bras de ma voisine si bien éduquée.
Cette menace se révélait plus efficace qu’une dose massive de paracétamol.
Bien sur, malgré cette jeunite aiguë, j’avais des périodes
de rémission,ou de lucidité, c’est selon, je ne fréquentais pas les « raves –parties »,
je ne défilais pas à la techno parade et la syntaxe approximative de certains rappeurs
me rendait dubitatif.
Ma culture djeun
était un peu lacunaire mais perfectible. Je n’arrivais pas à la cheville de
celui que je considère comme le djeun idéal, Jack, l’inamovible et inaltérable Ministre
de la Culture, seul ancien ministre de la 5ème République qui mourra
en pleine jeunesse.
C’est pour cette raison que j’ai illustré cette chronique
avec la photo de celui qui est à la politique ce que la Jouvence de l’Abbé
Soury est aux insuffisants veineux,un baume à la fois apaisant et revigorant. Déconseillé
pendant la grossesse, la jouvence, pas jack.
Évidemment cette conversion subite a eu des conséquences
immédiates sur ma vie quotidienne, je ne saute plus les portiques de sécurité pour
prendre le métro gratis mais je bénéficie depuis ce matin d’une carte vermeil
qui m’accorde une réduction substantielle. Solution,un peu plus onéreuse
certes, mais qui protège mes vieilles articulations.
J’avais aussi envisagé par ces temps de canicule un week
end à la mer afin de pouvoir exhiber un corps ciselé aux haltères par 40 ans de
culturisme, il me faudra rester cloitré à la maison les volets clos, un stock
de bouteilles de Contrexéville au frais, en espérant qu’Antenne 2 (France 2 est une expression
de jeune) voudra bien rediffuser Derrick et ses palpitantes aventures.
Comme tous les convertis de fraiche date, je suis volontiers
prosélyte et j’invite les jeunes à devenir vieux le plus rapidement possible
afin de se soustraire à l’opprobre dont
les accablent les médias malveillants.
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