lundi 29 octobre 2012

Sous les ‘’sunlights’’ des tropiques







Au début, l’affaire semblait entendue, il n’y avait pas de crise, enfin si quand même, mais la crise avait un nom, un visage ingrat, plutôt hongrois en fait, des talonnettes et les trapèzes atteints du syndrome de Gilles de la Tourette.

 Comme il était de droite, donc vénal, il suffisait de l’envoyer donner des conférences aux quatre coins du monde pour le prix de trois ou quatre Rolex et le tour était joué.


François qui avait enfin conquis le Graal et notre sympathie, s’imagina en Merlin, pas le roi, d’abord parce que c’est un républicain, et ensuite car il avait  peu de temps pour le bricolage. Non, son Merlin à lui, sa référence serait plutôt l’enchanteur de Brocéliande.


Pour ceux qui n’habitent pas comme nous a quelques lieues de la foret ou vécut ce personnage légendaire, laissez nous vous tracer brièvement son portrait, Merlin l’Enchanteur était un homme enjoué, bon, un magicien pur et proche de la nature avec un don de prophétie extraordinaire qui  était tombé éperdument amoureux de la fée Viviane.


 Il  était également très proche du Dieu Pan de la mythologie grecque, et aimait à jouer de la flute que  notre héros pratique aussi avec beaucoup de brio. Ce qui a fait dire aux fées qui se sont succédé auprès de notre génial instrumentiste «Oh ! dis, chéri, Oh ! Joue-moi-z-en d’la ……  »


 L’analogie est troublante à quelques nuances prés. Autres temps, autres mœurs, notre Merlin tomba amoureux de deux Viviane, que nous nommerons dans notre récit, par convention Viviane 1 et Viviane 2. 


Sa baguette magique, n’y voyez aucune allusion scabreuse, fut parfois hésitante, hasardeuse,même s’ il  avait réussi un coup de maître insuffisamment salué, en refiscalisant plus de neuf millions de riches suffisamment cupides pour croire qu’il suffisait de travailler plus pour gagner plus.    


La vie, hélas n’est pas un long fleuve tranquille, et Merlin dut essuyer de nombreuses avanies, dont la plus cuisante lui vint de Viviane 2 qui gazouillait fréquemment pour agacer Viviane 1. Les relations étaient tendues entre les deux fées et Merlin qui n’aimait pas le conflit était embarrassé.


D’autant, qu’affecté par une tendance à la bipolarité, Merlin venait de découvrir, malgré l’exil du nain qui lui rendait bien deux centimètres, que la crise était d’une exceptionnelle gravité. Des prophètes de malheur, Ipsos et Sofres, l’inondaient de mauvaises nouvelles et cela le rendait chagrin.


Il dut aussi, en gaucher contrarié, lui qui avait promis de ne jamais recevoir de dictateurs comme son prédécesseur de droite, accueillir Ali Bongo, Denis Sassou N’Guesso et le Roi du Bahreïn, tous parangons de la démocratie.


Reniements ! Reniements ! crièrent méchamment quelques fouineurs qui avaient remarqué la présence de ces illustres visiteurs malgré les talents de prestidigitateur du réenchanteur Merlin qui les avaient escamoté rapidement.


Que nenni !  Il ne les avait pas invité, ils avaient vu de la lumière, étaient entrés et élémentaire courtoisie, il les avait reçu en leur demandant de sortir par une porte dérobée pour ne pas réveiller les huissiers  en raison de l’heure tardive. 


Quelques druides de son entourage bien inspirés lui conseillèrent alors de prendre des vacances en Afrique ou le climat est plus agréable et les gens accueillants. Va donc t’éclater au Sénégal reprirent-ils tous en chœur en  chantonnant la célèbre chanson à texte du Martin Circus.


Il connaissait un petit peu les paroles, d’une suprême élégance, ou il est question de se faire des tas de copines …de ch’val et d’aller prendre un bain de minuit à poil sous la lune et cela le rendit de bonne humeur.


Il partit guilleret au pays de la Teranga mais il s’aperçut  un peu tard que Viviane 2 était aussi dans l’avion.  Cela le contraria, mais Il fit néanmoins un beau discours dont il avait prévenu qu’il n’avait pas pour but d’effacer le précédent, même si il lui ressemblait beaucoup, avec une pincée de contrition et  un doigt de repentance.


 Évidemment, il ne put s’empêcher, car c’est son péché mignon, de se poser en donneur de leçons, tout en y mêlant la compassion et un paternalisme bien-pensant. 


 Il ne reprit pas la phrase qui avait tant irrité  "l’homme africain n’était pas assez entré dans l’histoire" et il eut raison, puisque sa  visite incontournable à Gorée prouva que le Sénégalais était bel et bien entré dans la porte de l’histoire,  mais d’une manière si violente  qu’il l’avait quelque peu déformé en la bousculant.


Ce réinventeur de génie, c’est Joseph N’Diaye, compagnon de Bigeard en Indochine, célèbre dans le monde entier, et conservateur de la maison des Esclaves à Gorée qui a raconté avec un bagout incroyable l’histoire de cette maison et de son ile natale ou auraient transité des millions d’esclaves en partance pour les Amériques.


Pour le quidam moyen doté d’un cerveau normal, la pilule a du mal à passer, l’exigüité même des lieux n’est pas compatible avec la fable de Joseph et de ses successeurs. 


Mais Merlin ne voulait pas gâcher ses vacances, cela valait bien quelques petits arrangements avec l’histoire, il crut ou fit mine de croire à la déportation de millions d’africains passés par ‘la porte du voyage sans retour ‘ donnant sur une cote rocheuse ou les bateaux ne peuvent accoster et il reprit avec un  naturel désarmant, l’air contrit et la mine repentante.


Il aimait les légendes et ne voulait rien faire qui puisse vexer ses hôtes et nuire au fonds de commerce du Sénégal. Peut être que de retour au bercail, Viviane 1 née à Ouakam, lui prêtera L’Histoire de Gorée écrite par deux chercheurs de l’IFAN (Institut fondamental de l’Afrique noire) Abdoulaye Camara, ancien conservateur du Musée de Gorée, et le père Joseph Roger de Benoist, éminent spécialiste de l’Afrique Occidentale et du Sénégal.


Les deux illustres hôtes inscrivirent des paroles mémorables sur le livre d’or de la maison des esclaves et Viviane 2 assura qu’après cette visite elle ne serait plus la même. L’histoire, la petite, dira si nous devons, avec Viviane 1 en pleurer ou nous en réjouir.


Ensuite, il se rendit, réticent, en raison d’une situation démocratique inacceptable selon ses propres termes aux ‘Francofolies’ de Kinshasa.


 Il avait chargé une apprentie fée, Yamina, de rendre Joseph Kabila présentable aux yeux de son auguste personne. Faut dire que le maquillage, c’est plutôt sa spécialité à Yamina, certains  osent même le terme de ravalement allant jusqu’à évoquer Mickael Jackson.  


De retour d’un voyage préparatoire, notre esthéticienne lui avait assuré que Joseph allait créer une ‘’commission indépendante des droits de l’homme’’. Cette annonce avait rempli d’aise François qui s’était entiché  des commissions au point d’en avoir diligenté une bonne quinzaine.


Réminiscence attendrissante de son enfance ou lorsqu’il jouait dans la cour, sa mère ouvrait la fenêtre et l’appelait « Monte François et va chercher les commissions » Il en profitait sans doute pour grappiller quelques centimes et s’acheter des ‘’Mistral Gagnant’’.


Evidemment, il fit les gros yeux et gronda Joseph, parla de réalités inacceptables, de processus incomplet, de déficit de démocratie, sans que l’on sache s’il évoquait la situation locale ou la récente nomination d’Harlem Désir à la Présidence du PS.


Dans sa réponse, Abdou Diouf condamna cette  politique de ‘’deux poids, deux mesures, deux discours ‘dénonçant la mansuétude à l’égard  d’autres états au nom d’intérêts commerciaux ou stratégiques. On aurait mauvaise grâce à lui donner tort.  


Néanmoins, son voyage l’avait requinqué, il nous prédisait une sortie de crise de l’Euro toute proche    « Sur la sortie de la crise de la zone euro, nous en sommes près, tout près.». 


Mosco, astronome à éclipses, qui l’accompagnait sous les tropiques, spécialiste de la planète ‘’Finances’’ qu’il examine à l’œil nu, d’où la célèbre expression, l’œil de Mosco, en rajoutait même dans l’euphorie délirante et l’affection débordante pour les entreprises « Après le service public, je viens dire des mots d’amour aux entreprises » a-t-il récemment déclaré à Marmande.


Il  proclame désormais à qui veut l’entendre, que le pire est passé, et  le meilleur est à venir, veut lutter contre la sinistrose, en un mot, pour résumer, Mosco, il a veni, il a vidi, il a vici….la crise.  Bercy qui ? Bercy Mosco !


Les experts se perdent en conjectures sur cet optimisme débridé après ce séjour sous les tropiques.
Perte de conscience après des heures d’exposition au soleil sans le casque colonial salvateur ?
Attaques sournoises d’anophèles déchainées ayant entrainé un paludisme cérébral à formes psychotiques confusionnelles ? 


D’autres, s’appuient sur les travaux du professeur Gilbert Montagné, qui dans ses recherches sur les actions  des rayons infrarouges et ultraviolets a décrit très précisément les effets bénéfiques des sunlights des tropiques sur le moral.


L’amour, nous décrit-il, se raconte en musique, l’on a dans le cœur un bongo, et l’on dessine  sur sa peau un palmier au bord de l’eau, et finalement qu’est ce qu’on est bien, tout est beau, fa, mi, fa, sol, do.


La démonstration serait assez convaincante, si la clairvoyance était sa qualité première, ce qui reste à prouver. D’autant que dans une thèse précédente ‘’On va s’aimer’,’ il préconisait des situations aussi abracadabrantesques que périlleuses comme s’aimer sur une étoile, au fond d’un train, ou dans un vieux grenier, aux marches des églises, et se réchauffer au cœur des banquises.

 Non, craignant à juste titre une altération du discernement de cet éminent héliothérapeute, nous pencherons plus prosaïquement, pour ce sentiment rassurant que nous éprouvons tous à côtoyer des gens plus pauvres et plus malheureux que nous.

  Le malheur des uns ne fait peut être pas le bonheur des autres mais il peut  y contribuer.




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