Au début, l’affaire semblait entendue, il n’y avait pas de
crise, enfin si quand même, mais la crise avait un nom, un visage ingrat,
plutôt hongrois en fait, des talonnettes et les trapèzes atteints du syndrome
de Gilles de la Tourette.
Comme il était de droite, donc vénal, il suffisait de
l’envoyer donner des conférences aux quatre coins du monde pour le prix de
trois ou quatre Rolex et le tour était joué.
François qui avait enfin conquis le Graal et notre sympathie,
s’imagina en Merlin, pas le roi, d’abord parce que c’est un républicain, et
ensuite car il avait peu de temps pour
le bricolage. Non, son Merlin à lui, sa référence serait plutôt l’enchanteur de
Brocéliande.
Pour ceux qui n’habitent pas comme nous a quelques lieues de
la foret ou vécut ce personnage légendaire, laissez nous vous tracer brièvement
son portrait, Merlin l’Enchanteur était un homme enjoué, bon, un magicien pur
et proche de la nature avec un don de prophétie extraordinaire qui était tombé éperdument amoureux de la fée
Viviane.
Il était également très proche du Dieu Pan de la
mythologie grecque, et aimait à jouer de la flute que notre héros pratique aussi avec beaucoup de
brio. Ce qui a fait dire aux fées qui se sont succédé auprès de notre génial
instrumentiste «Oh ! dis, chéri, Oh ! Joue-moi-z-en d’la ……
»
L’analogie est
troublante à quelques nuances prés. Autres temps, autres mœurs, notre Merlin
tomba amoureux de deux Viviane, que nous nommerons dans notre récit, par
convention Viviane 1 et Viviane 2.
Sa baguette magique, n’y voyez aucune allusion scabreuse,
fut parfois hésitante, hasardeuse,même s’ il
avait réussi un coup de maître insuffisamment salué, en refiscalisant
plus de neuf millions de riches suffisamment cupides pour croire qu’il
suffisait de travailler plus pour gagner plus.
La vie, hélas n’est pas un long fleuve tranquille, et Merlin
dut essuyer de nombreuses avanies, dont la plus cuisante lui vint de Viviane 2
qui gazouillait fréquemment pour agacer Viviane 1. Les relations étaient
tendues entre les deux fées et Merlin qui n’aimait pas le conflit était
embarrassé.
D’autant, qu’affecté par une tendance à la bipolarité,
Merlin venait de découvrir, malgré l’exil du nain qui lui rendait bien deux
centimètres, que la crise était d’une exceptionnelle gravité. Des prophètes de
malheur, Ipsos et Sofres, l’inondaient de mauvaises nouvelles et cela le
rendait chagrin.
Il dut aussi, en gaucher contrarié, lui qui avait promis de
ne jamais recevoir de dictateurs comme son prédécesseur de droite, accueillir
Ali Bongo, Denis Sassou N’Guesso et le Roi du Bahreïn, tous parangons de la démocratie.
Reniements ! Reniements ! crièrent méchamment
quelques fouineurs qui avaient remarqué la présence de ces illustres visiteurs malgré
les talents de prestidigitateur du réenchanteur Merlin qui les avaient escamoté
rapidement.
Que nenni ! Il
ne les avait pas invité, ils avaient vu de la lumière, étaient entrés et
élémentaire courtoisie, il les avait reçu en leur demandant de sortir par une
porte dérobée pour ne pas réveiller les huissiers en raison de l’heure tardive.
Quelques druides de son entourage bien inspirés lui conseillèrent
alors de prendre des vacances en Afrique ou le climat est plus agréable et les
gens accueillants. Va donc t’éclater au Sénégal reprirent-ils tous en chœur en chantonnant la célèbre chanson à texte du
Martin Circus.
Il connaissait un petit peu les paroles, d’une suprême
élégance, ou il est question de se faire des tas de copines …de ch’val et
d’aller prendre un bain de minuit à poil sous la lune et cela le rendit de
bonne humeur.
Il partit guilleret au pays de la Teranga mais il s’aperçut un peu tard que Viviane 2 était aussi dans
l’avion. Cela le contraria, mais Il fit néanmoins
un beau discours dont il avait prévenu qu’il n’avait pas pour but d’effacer le précédent,
même si il lui ressemblait beaucoup, avec une pincée de contrition et un doigt de repentance.
Évidemment, il ne put
s’empêcher, car c’est son péché mignon, de se poser en donneur de leçons, tout
en y mêlant la compassion et un paternalisme bien-pensant.
Il ne reprit pas la
phrase qui avait tant irrité
"l’homme africain n’était pas assez entré dans l’histoire" et
il eut raison, puisque sa visite incontournable
à Gorée prouva que le Sénégalais était bel et bien entré dans la porte de l’histoire,
mais d’une manière si violente qu’il l’avait quelque peu déformé en la bousculant.
Ce réinventeur de génie, c’est Joseph N’Diaye, compagnon de
Bigeard en Indochine, célèbre dans le monde entier, et conservateur de la
maison des Esclaves à Gorée qui a raconté avec un bagout incroyable l’histoire
de cette maison et de son ile natale ou auraient transité des millions
d’esclaves en partance pour les Amériques.
Pour le quidam moyen doté d’un cerveau normal, la pilule a
du mal à passer, l’exigüité même des lieux n’est pas compatible avec la fable
de Joseph et de ses successeurs.
Mais Merlin ne voulait pas gâcher ses vacances, cela valait
bien quelques petits arrangements avec l’histoire, il crut ou fit mine de
croire à la déportation de millions d’africains passés par ‘la porte du voyage
sans retour ‘ donnant sur une cote rocheuse ou les bateaux ne peuvent accoster
et il reprit avec un naturel désarmant,
l’air contrit et la mine repentante.
Il aimait les légendes et ne voulait rien faire qui puisse
vexer ses hôtes et nuire au fonds de commerce du Sénégal. Peut être que de
retour au bercail, Viviane 1 née à Ouakam, lui prêtera L’Histoire de Gorée
écrite par deux chercheurs de l’IFAN (Institut fondamental de l’Afrique noire) Abdoulaye
Camara, ancien conservateur du Musée de Gorée, et le père Joseph Roger de
Benoist, éminent spécialiste de l’Afrique Occidentale et du Sénégal.
Les deux illustres hôtes inscrivirent des paroles mémorables
sur le livre d’or de la maison des esclaves et Viviane 2 assura qu’après cette
visite elle ne serait plus la même. L’histoire, la petite, dira si nous devons,
avec Viviane 1 en pleurer ou nous en réjouir.
Ensuite, il se rendit, réticent, en raison d’une situation
démocratique inacceptable selon ses propres termes aux ‘Francofolies’ de Kinshasa.
Il avait chargé une
apprentie fée, Yamina, de rendre Joseph Kabila présentable aux yeux de son
auguste personne. Faut dire que le maquillage, c’est plutôt sa spécialité à Yamina,
certains osent même le terme de
ravalement allant jusqu’à évoquer Mickael Jackson.
De retour d’un voyage préparatoire, notre esthéticienne lui
avait assuré que Joseph allait créer une ‘’commission indépendante des droits
de l’homme’’. Cette annonce avait rempli d’aise François qui s’était
entiché des commissions au point d’en
avoir diligenté une bonne quinzaine.
Réminiscence attendrissante de son enfance ou lorsqu’il
jouait dans la cour, sa mère ouvrait la fenêtre et l’appelait « Monte
François et va chercher les commissions » Il en profitait sans doute pour grappiller
quelques centimes et s’acheter des ‘’Mistral Gagnant’’.
Evidemment, il fit les gros yeux et gronda Joseph, parla de
réalités inacceptables, de processus incomplet, de déficit de démocratie, sans
que l’on sache s’il évoquait la situation locale ou la récente nomination d’Harlem
Désir à la Présidence du PS.
Dans sa réponse, Abdou Diouf condamna cette politique de ‘’deux poids, deux mesures, deux discours
‘dénonçant la mansuétude à l’égard d’autres états au nom d’intérêts commerciaux
ou stratégiques. On aurait mauvaise grâce à lui donner tort.
Néanmoins, son voyage l’avait requinqué, il nous prédisait une
sortie de crise de l’Euro toute proche
« Sur la sortie de la crise de la zone euro, nous en sommes
près, tout près.».
Mosco, astronome à éclipses, qui l’accompagnait sous les tropiques,
spécialiste de la planète ‘’Finances’’ qu’il examine à l’œil nu, d’où la célèbre
expression, l’œil de Mosco, en rajoutait même dans l’euphorie délirante et
l’affection débordante pour les entreprises « Après le service public, je
viens dire des mots d’amour aux entreprises » a-t-il récemment déclaré à
Marmande.
Il proclame désormais
à qui veut l’entendre, que le pire est passé, et le meilleur est à venir, veut lutter contre la
sinistrose, en un mot, pour résumer, Mosco, il a veni, il a vidi, il a vici….la
crise. Bercy qui ? Bercy
Mosco !
Les experts se perdent en conjectures sur cet optimisme
débridé après ce séjour sous les tropiques.
Perte de conscience après des heures d’exposition au soleil
sans le casque colonial salvateur ?
Attaques sournoises d’anophèles déchainées ayant entrainé un
paludisme cérébral à formes psychotiques confusionnelles ?
D’autres, s’appuient sur les travaux du professeur Gilbert
Montagné, qui dans ses recherches sur les actions des rayons infrarouges et ultraviolets a
décrit très précisément les effets bénéfiques des sunlights des tropiques sur
le moral.
L’amour, nous décrit-il, se raconte en musique, l’on a dans
le cœur un bongo, et l’on dessine sur sa
peau un palmier au bord de l’eau, et finalement qu’est ce qu’on est bien, tout
est beau, fa, mi, fa, sol, do.
La démonstration serait assez convaincante, si la
clairvoyance était sa qualité première, ce qui reste à prouver. D’autant que
dans une thèse précédente ‘’On va s’aimer’,’ il préconisait des situations
aussi abracadabrantesques que périlleuses comme s’aimer sur une étoile, au fond
d’un train, ou dans un vieux grenier, aux marches des églises, et se réchauffer
au cœur des banquises.
Non, craignant à
juste titre une altération du discernement de cet éminent héliothérapeute, nous
pencherons plus prosaïquement, pour ce sentiment rassurant que nous éprouvons
tous à côtoyer des gens plus pauvres et plus malheureux que nous.
Le malheur des uns ne fait peut être pas le
bonheur des autres mais il peut y
contribuer.
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