Le film de Barattier en 2005 ‘’les choristes’’ film alors
jugé néo pétainiste et passéiste par les arbitres de l’élégance idéologique, a
au moins eu le mérite de remettre à la
mode le chant choral. Des producteurs avisés ont eu l’idée de proposer en mai
2012 un télé crochet de dimension hexagonale à l’image de celui qui avait tant
passionné la France en 2007.
L’heureux gagnant se voyait offrir une tournée de cinq ans
et la possibilité de se produire sur toutes les scènes nationales et
internationales. A charge pour lui de trouver son 1er soliste et de
puiser dans le vivier d’amateurs exaltés lors de ses prestations au cours des
éliminatoires.
Une fois constituée, la chorale pourrait côtoyer les
polyphonies corses et comprendre ainsi que la main sur l’oreille n’est pas une
coquetterie insulaire mais une élémentaire précaution en cas d’éventuelles
déflagrations.
Elle découvrirait le
mystère des voix bulgares pas si insondable que cela, car il repose essentiellement sur une consommative
intensive de yaourts et les célèbres chœurs zoulous essentiellement masculins
ainsi que les chorales féminines xhosas pour qui les mots parité et mixité
riment avec incongruité.
Quant à la confrontation avec les chœurs de l’armée rouge,
elle ne devrait pas manquer de piquant, même si le rose arboré par la troupe
nationale peut paraitre bien pâle et
efféminé pour ces rudes guerriers cosaques.
La finale de ‘’Qui veut gagner les élections de chef de
choeur’’ pour désigner le Mister France enchanteur fut d’un niveau tres élevé , il ne suffisait
pas comme pour les ‘’Miss’’ d’une plastique irréprochable, d’un visage
avenant et d’avoir tout bien répondu aux
questions d’un JP Foucaud impitoyable inquisiteur.
Non, il s’agissait là, d’une épreuve d’une toute autre
nature, un combiné de ‘’Questions pour un champion’’ du ‘’Questionnaire de
Proust’’ de l’examen d’entrée à l’ENA
et du concours d’éloquence des
avocats du barreau de Béthune.
Quand au mois de mai dernier, il nous fut demandé, de
choisir entre les deux derniers candidats, comme dans une vulgaire émission de
télé réalité, celui qui nous semblait
avoir la fibre artistique la plus développée, une majorité s’était dégagée pour
un slameur anaphorien de haute tenue.
Certains de ses fans
énamourés, parmi les exégètes les plus érudits, y virent mieux qu’une simple
anaphore de tchatcheur de bistrot, mais plutôt une figure de rhétorique plus
subtile, la prolepse qui permet de se projeter vers un avenir qu’on voudrait
radieux et qui réfute par avance les objections éventuelles qui pourraient vous
être opposées.
Une promesse de réenchanter le rêve français .Bravo
l’artiste ! Réenchantons, tous
ensemble, tous ensemble !
C’était évidemment une gageure que que de vouloir
réenchanter un peuple dont on n’est même pas sur qu’il ait été dans une vie
antérieure enchanté. L’autre défi, c’était la composition de cette manécanterie
, qu’on a du mal à appeler maitrise pour des raisons évidentes.
L’on se contentera par respect et empathie pour son public
de la nommer tout simplement chorale.
La Chorale mixte, est composée en général de cinq pupitres,
deux pour les femmes : les altos et les sopranos, trois pour les
hommes : les altos, les basses et les ténors.
On passera sous silence et ils l’ont bien mérité, les altos
chez les hommes, censés chanter avec une voix de tête, ce qui pour la plupart
d’entre eux est impossible en raison de malformations génétiques ; quant
aux basses, un seul leitmotiv s’impose : doucement.
L’un de ces derniers à la tessiture ambigüe, à mi-chemin
entre le ténor et la basse, le petit Benoit, économe social et solidaire de
Saint Renan, plutôt baryton ‘’basse-taille’’, comme l’on désignait ce type de
voix autrefois, est devenu subitement aphone mais aussi invisible.
Au point que
certaines personnes malintentionnées
dont nous ne sommes pas auraient envisagé le déclenchement du dispositif ‘’
alerte enlèvement’’.
Il faut dire qu’on
l’a placé malencontreusement derrière le ténor chauve moscovenividivici, l’auguste
tête ceinte d’une couronne de lauriers glanés dans les conservatoires les plus
prestigieux et dont les cordes vocales
ne vibrent plus aussi harmonieusement depuis qu’il les a malmené en huant
bruyamment les prestations de la chorale précédente.
Laurent, l’autre
divin déplumé de la troupe semble privilégier une carrière en solo sur les
tréteaux internationaux et évite de
s’acoquiner avec le reste de la troupe et
son chef dont il n’imaginait pas même en rêve, selon ses propres termes,
qu’il puisse accéder à un tel poste.
Chez les femmes, nous nous intéresserons aux sopranos dont
la voix est plus audible que celle des altos, bien que nous nous sommes laissés
dire que certaines d’entre elles pouvaient à l’occasion chanter comme des
contraltos, c'est-à-dire, aussi avec une voix de poitrine, ce qui pourrait
réenchanter les rêves libidineux
hexagonaux.
Le Chef de chœur a choisi son premier soliste, non pour son talent vocal, car il chante d’une
voix monocorde et a le charisme d’un berlingot nantais, mais pour sa capacité
naturelle à comprendre et a interpréter, à la note près, son vocabulaire
corporel. Il est aussi doté d’un physique avantageux de pilote de ligne selon
Plantu.
Si l’on excepte les trente choristes engagés pour faire
nombre, au registre incertain, privés de micro et qui se contentent de remuer
les lèvres comme dans un concert de Britney Spears, mais qui ont su rendre leur
inutilité indispensable, les autres ténors et sopranos de la chorale semblent
avoir du mal à comprendre la gestuelle syncopée du chef de chœur.
Quand le petit ténor catalan se lance dans une envolée
lyrique contre les dealers et délinquants de tous poils, la soprano que nous
hésitons à qualifier de ‘’coloratur’’ pour ne pas être taxé de racisme nous
susurre une chanson douce que lui chantait sa maman. En suçant notre pouce,
nous l’écoutons en nous endormant.
La soprano ‘’écolo’’ engagée uniquement pour que la chorale
ait le label ’’bio’’ et qui se fiche pas mal de la partition reprend son
antienne habituelle et nous offre un remix de ‘’Mangez moi’’ de Billy Ze kick
et de ‘’Cultivateur moderne’’ de Pierpoljack timidement repris par
l’instituteur philosophe.
Celui-ci, « Peillon
pour lui, pauvre pécheur » tancé par le 1er soliste se
repentira rapidement en promettant de
suivre plus attentivement la ‘’gestique’’ expressive et les sourcils
réprobateurs du chef de chœur.
Quant à notre choriste frondeuse, elle aura pu démontrer son
absence de dogmatisme puisque son aversion pour les champignons nucléaires ne
l’empêche pas d’apprécier les variétés hallucinogènes.
Reste le cas du noble ténor au port altier et à la forte
personnalité comme le soulignait récemment Audrey, son impresario aux onéreuses
lunettes en écailles de tortue.
Elle le verrait bien
déloger le 1er soliste, mais ses élans lyriques semblent manquer de
souffle et sa lecture des partitions erratiques. Il lui faudra redresser sa
production musicale s’il veut éclabousser de son talent immense la France en pâmoison. Sa récente
apparition en marinière pourrait lui permettre une intégration dans la chorale
des ‘’Marins d’Iroise’’
Qu’est ce qui fait que dans la prestation de ce chœur,
réduit le plus souvent, tout au plus à un quintet vocal, nous ayons cette étrange
sensation de maelström de couacs à répétitions, de cacophonie, de dissonances
grinçantes, voire grotesques, comme autant de nuisances sonores , d’acouphènes
perturbants ?
Probablement, notre conformisme petit bourgeois, rétif à la
musique contemporaine ou au free jazz, ce qui paradoxalement nous rapproche des
régimes communistes qui ont banni durant des décennies ce style de musique non
mélodique et difficilement réceptive par le peuple pour correspondre aux idéaux
socialistes.
Les critiques avertis, les mélomanes pédants,‘les esthètes
de lard’, nous incitent à éduquer nos oreilles, à exciter leur curiosité, à ne
pas être effarouchés par les sonorités
débraillées de ce chœur aussi dissonant
que trébuchant.
Soyez compatissants, faites
comme l’un de mes voisins dont je tairai le nom par bonté d’âme,mais
aussi parce que peu vous chaut , un type pourtant odieux, qui à chaque fois
qu’il allait au restaurant avec une conquête finissait par régler le repas
et la rose du pakistanais alors qu’il
avait horreur de payer, exécrait les roses, haïssait les pakistanais, et
méprisait la gent féminine.
L’emploi de l’imparfait s’impose à son sujet, car à force de
rentrer seul chez lui sans sa dulcinée, sans le pakistanais, et même sans la
rose dont il n’avait gardé que les épines dans les doigts, il a fini par mourir
du tétanos.
Bon, je vous l’accorde, l’exemple est mal choisi et la fin
tragique de ce triste individu pourrait freiner votre humanisme bienveillant,
mais comparaison n’est pas raison. Ce type avait voulu exercer sur lui-même une
forte contrainte pour devenir bon, il cumulait trop de handicaps, radin,
raciste, hétérophobe, et son aversion pour les roses cachait des idées
politiques contre nature.
Il était odieux, il était normal qu’il aille au diable.
Et puis, si cela pouvait vous rassurer, aucune revue
médicale n’a recensé de cas de tétanos par agressions sonores,aucune
contamination toujours possible par jets de postillons infectés lors de concerts
n’est attestée à ce jour.
Alors, abandonnez vos préjugés, délaissez les petits
Chanteurs de Saint Marc et la voix cristalline de Jean Baptiste et allez
applaudir sans retenue la dissonance flamboyante des choristes désaccordés.Il
vaut mieux entendre ça que d’être sourd.
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