Quand la médecine empirique vient au secours
de la sociologie.
Il est tentant quand on commence à écrire des petites
chroniques ou billets d’humeur (souvent de mauvaise humeur) d’ambitionner de
passer à des choses plus sérieuses : le journalisme de terrain ou mieux,
le journalisme en immersion.
La barre est haute pour un apprenti reporter sans ressources, la
Papouasie, l’Amazonie, la Namibie et même la basse Normandie recèlent encore
des peuplades peu connues et qui méritent de l’être. Mais, bon, sauf à se faire
inviter par Frédéric Lopez ce n’est pas demain la veille que je pourrai
déjeuner chez les Nyangatom, diner chez
les Chipayas, cultiver le riz avec les lolo noirs et les oignons en pays Dogon.
J’en étais là à regretter mon manque de notoriété qui handicapait ma soif de
voyages quand j’entendis mon voisin crier à sa femme « Dépêche toi Josette
on va être en retard pour voir le Beauf »
Comme je suis vif
d’esprit, j’eus le déclic immédiat, j’irai m’immerger en Beauferie.Ce n’est pas
loin, par conséquent pas cher, c’est vous, c’est moi , enfin surtout vous, au
bistrot du coin,sur les gradins,dans la salle de muscu, partout quoi !
C’est Cabu, un ethnologue chevelu qui
découvrit le premier Beauf dans les années 70. Comme l’appareil photo n’avait
pas été inventé, il le dessina pansu, moustachu, vêtu d’un marcel, coiffé d’une casquette Ricard, la
main dans le slibard, l’autre tenant fermement la bouteille de Kro, l’œil
porcin rivé sur le petit écran ou JP Pernaud lui racontait un pays que nos
élites redécouvrent à chaque campagne électorale.
Mais avec un tel
portrait robot, l’on s’aperçut vite que nous étions cernés par les Beaufs dans
le voisinage, dans la famille, et même triste constat, en se levant le matin et
en se regardant dans le miroir certains se découvrirent Beaufs ou en état de
beaufitude avancée. Le Beauf était déjà à l’époque, raciste, militariste, en un
mot, le Beauf était de droite. C’était l’époque bénie ou il était aussi endogame, Gérard se mariait avec Josette et de
leur union naissaient alors de
nombreuses portées de Kevin boutonneux
et de ravissantes Alison.
Endogame mais nomade, les beaufs ont essaimé sur toute la
planete : Joe Sixpack aux Etats
Unis, españolito de a pie en Ibérie, Den Johnnie en Flandres etc.. et cela
surprendra probablement les Tiers-mondistes, en Afrique et en Asie aussi.
L’endogamie conduit inévitablement à la consanguinité et les
chercheurs qui avaient étudié les conséquences désastreuses de ces pratiques
dans le Morbihan et le Loir et Cher alertèrent l’opinion. Des médecins furent
appelés et diagnostiquèrent que le Beaufisma dextre, nom latin du Beaufisme de
droite, n’était qu’une variante du crétinisme alpin, mais contrairement à ce
dernier qui dénotait une carence en iode, la présence de nombreux beaufs sur les côtes de
la manche et de l’atlantique contredisait
cette théorie et nécessitait une autre thérapie. L’idée était simple : les
gênes sains détruiraient les gênes malades.
Ces zélotes du métissage, ces chantres du multiculturalisme
se dévouèrent malgré une répugnance bien compréhensible et firent don de leurs
semences recueillies dans des immenses congélateurs. Mais le génie génétique a
ses limites, les résultats furent aléatoires. Contrairement aux attentes des
donneurs bénévoles, le Beaufisme fut le plus fort et se répandit dans toutes
les couches de la société.
Et horreur ! Hervé Algalarrondo journaliste au Nouvel
Obs découvrit à la fin des années 90 des Beaufs atteints du Beaufisma Senestre,
le Beaufisme de gauche. C’était d’ailleurs une victoire du journalisme en immersion puisqu’il écrivait
depuis 1985 au célèbre hebdo et qu’il y est toujours rédacteur. Ce fut un bordel
monstre, des familles de beaufs de gauche engendrèrent des beaufs de droite,
dans le quartier du Marais se côtoyèrent et plus, si affinités, des homobeaufs
de droite et des heterobeaufs de gauche ou vice versa, certains furent même
atteints du beaufisma ambivalens, le plus redoutable car sur un même sujet le
patient pouvait vous sortir une beauferie de gauche ou de droite selon l’humeur.
Toute la société fut gangrenée, l’on signala même dans la police la présence de
beaufs-carottes.
La faune, elle même ne serait pas épargnée, des zoologistes
s’intéressent desormais au phénomène, notamment les ichtyologistes qui
commencent à s’inquiéter de la fâcheuse tendance des poissons à polluer les
océans en y déféquant sans vergogne, ce qui n’est pas de nature à promouvoir le
développement durable et ne démontre pas un sens civique responsable.
Comment distinguer un beauf de gauche de son cousin de
droite ? la tache me parut
vite insurmontable, j’avais bien en tête certains stéréotypes physiques et
vestimentaires, mais la description initiale de Cabu apparaissait dépassée, il
avait fait lui-même évoluer son beauf en une version plus urbaine, plus
branchée. Chez les senestres, c’était encore plus difficile, le bobobeauf de
gauche est proteiforme, plus sournois, plus imprévisible. Qu’est ce qui
distingue un bobobeauf écolo barbu d’un autre imberbe? Le taux de testoterone
ou l’usage du rasoir ?
Je tentai une ultime tentative lors d’une réunion de famille
à laquelle je n’avais pas pu me soustraire, la discussion portait alors sur la
recette de la tarte aux poireaux et aux lardons, et avec un a- propos admirable
je me mis à parler d’immigration.
Le résultat fut à la
hauteur de mes attentes, il n’y eut plus jamais de symposium familial. Mais je
découvris grâce à ma tante Adèle une
autre mutation génétique, le Beaufisma transgenre, elle avait voté Front de
gauche et s’était récemment fâchée avec sa fille parce que celleci voulait
convoler en justes noces avec un malien. Le sujet était trop complexe pour moi,
et en paraphrasant le slogan de la campagne publicitaire de F Missoffe dans les
années 60 censée relancer la
consommation des bovidés, je conclurai en disant « Suivez le Beauf » il
vous mènera inévitablement à un autre beauf. Et qui sait ? Peut être nous
rencontrerons nous ?
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