Est –il nécessaire de regarder les émissions de la télé
bidonnée, scénarisée, pour en dire du
mal, mieux, peut-on en deviner l’indigence en ayant coupé le robinet à images
pour préserver la couche d’ozone ? Plus fort que Majax et le mage Rabindranath
Duval du sketch culte sur la divination des regrettés Francis Blanche et Pierre
Dac, je vais tenter l’impossible.
A la télé, d’ailleurs
rien d’impossible, çà fait quelques années que la petite lucarne s’esclaffe
pour vous dans les sitcoms aux dialogues aussi plats que les poumons de Birkin.
Ce faisant, elle vous épargne les affreuses rides d’expressions provoquées par
vos zygomatiques qui vous remontent les commissures des lèvres jusqu’aux
oreilles encore mieux que ne le ferait un excité de la machette pour égorger vos fils et vos
compagnes.
Évidemment, c’est parfois humiliant, ce manque de confiance
envers le téléspectateur, ce rire artificiel, mais il présente le même avantage
que les fleurs artificielles sur les naturelles. Il n’a pas besoin d’être
arrosé de substances euphorisantes, dure plus longtemps et peut être renouvelé à l’infini.
Parfois, le spectacle est si affligeant que l’on a envie de
pleurer et l’on s’étonne que personne n’ait encore eu l’idée d’inventer la
boite à pleurs qui aurait pour effet d’épargner nos glandes lacrymales déjà
suffisamment mises à contribution durant nos tristes vies.
Sans compter la
possible déshydratation dont les effets sont dévastateurs pour les personnes âgées
dont on nous dit qu’elles ne ressentent plus la soif, ce qui expliquerait leur
relative sobriété.
Comme chacun peut le
constater, la télé fait déjà beaucoup pour nous, elle nous fait guerroyer par
procuration, nous télé-vend le dernier four multifonctions, nous fait baiser dans une piscine, nous marie,
nous dégotte un nouvel appartement, nous bazarde l’ancien, nous fait manger des
vers, chanter des niaiseries, danser avec les stars, nous en fabrique de
nouvelles, cuisiner avec le sympathique frère de Demorand, discuter du sexe des
anges, nous dit que l’amour est aveugle, nous permet de nous débarrasser de
notre couillon de fiston, nous fait découvrir des ch’tis, des marseillais aux
accents différents mais aux fautes de français interchangeables…..
Comme toute cette somme d’efforts s’effectue
avachi dans un canapé qui doit lui aussi beaucoup à ce bovidé, la télé qui n’en
est pas à un paradoxe près nous balance insidieusement un petit bandeau où elle
nous incite entre autres recommandations à manger autrement et surtout à bouger. On voudrait bien bouger, mais jamais
sans notre poste.
Mais s’il ne regarde pas les émissions de télé réalité où a-t-il
déniché cet inventaire à la Prévert de tous les travers de notre petite
lucarne ? La magie, vous dis je et comme dans tous les numéros de magie,
il y a un truc et mêmes plusieurs, la lecture des programmes et la zapette qui
vous permet d’un doigt agile de tomber invariablement sur les nouveaux héros du
monde moderne, les candidats anciens, à venir, recyclés de la téléréalité en
quête de célébrité.
N’allez pas croire que je souhaite comme le marquis de Montebourg
du Redressement Productif des programmes l’arrêt de ces émissions, d’autant
qu’il faut s’entendre sur le concept de téléréalité, certaines réclament un
minimum de savoir faire, de compétences dans le domaine artistique ou
culinaire.
D’autres comme Loft Story et autres déclinaisons ne réclament
qu’une conformité parfois surjouée aux stéréotypes souhaitées par la production,
bimbos siliconées, don juan de pacotille équipés de pectoraux assortis aux abdos Jeff de Bruges, homos de
préférence ‘’cage aux folles’’, les vipères lubriques, les faux jetons vrais
cons, le tout agrémenté de quelques
benêts sympas censés ressembler à la majorité téléphage.
C’est sans doute par abus de langage, ou paresse
intellectuelle, que l’on met dans le même cabas de la téléréalité les
télé-crochets où l’on n’ apprend pas comme leur nom pourrait le laisser croire
la maille à l’endroit et la maille à l’envers et les télé-marmitons où un
critique culinaire en foulard à la légitimité aveuglante insulte copieusement les candidats mitrons.
Comme le disait une célèbre télé sociologue, c’est leur
choix. Comme le dealer doit son existence au client, le masochiste ne
s’épanouit que grâce au sadique et rien ne lui interdit ensuite l’inversion des
rôles.
J’ai moi-même été accro à
la seule vraie émission de téléréalité, Strip Tease, qui ne scénarise
pas, n’habille pas, ne travestit pas, même s’il subsiste le biais d’une caméra
dont la présence ne doit pas s’oublier aussi facilement qu’on veut bien nous le
dire, mais au contraire déshabille et vous livre brut de décoffrage
quelques tranches de vie dans lesquelles nous n’aurions pas envie de mordre.
Puis progressivement, même si j’ai parfois beaucoup ri, un
peu comme dans ‘’Les Deschiens’’ le
malaise s’est installé, l’amusement a cédé la place à la gêne. Il y a quelque
chose de pathétique dans cette misère ou arrogance sociale selon les thèmes et
les milieux pauvres ou riches qui nous sont livrées en pâture.
C’est une manière assez malsaine de se redonner le moral, de
retrouver une estime de soi souvent mise à mal par les aléas de la vie en constatant qu’il il y a plus con et plus pourri que nous
?
Non, si je me refuse à
visionner un épisode complet de cette pseudo téléréalité, c’est tout simplement par peur du vide vertigineux qui
attire et envoute, pour lutter contre le désir de chute, la fascination pour l’abime
dans lequel il est si facile de s’abandonner.
Au point, qu’en dissertant sur la vacuité, je ne me suis pas
rendu compte du trop plein de ma vessie, phénomème fréquent des vases
communicants, dont le signal n’est pas parvenu à mon cerveau trop occupé à
traverser les océans du vide, ‘’Always lost in the vessie’’. Ou quand la téléréalité dépasse la
miction !
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