C’était un soir de nostalgie, ce
genre de soir ou l’on se sent seul et triste, alors on recherche dans son
passé, on plonge dans ses souvenirs, dans une espèce de contemplation de son
enfance et les images surgissent, les saveurs réapparaissent.
Mon mistral gagnant à moi ce jour là , ce furent les’’coco
boers’’ vendus dans leurs petites boites en fer blanc que l’on pouvait aspirer
en perçant quelques trous et mélanger la salive avec cette poudre d’or au
délicieux goût de réglisse.
Ou bien encore, sa version enfermée dans un tube en verre ou
en plastique qui coutait quelques centimes et parfois moins lorsque à la sortie
de l’école nous entrions comme une volée de moineaux dans l’épicerie, ce qui
permettait à certains d’entre nous, de tromper la vigilance de l’épicière.
Mais la nostalgie, c’est un peu comme un rêve éveillé, elle
ne s’embarrasse pas forcément de vérité objective, ni de vraisemblance parfois.
Elle gomme bien souvent les évènements et les souvenirs négatifs, vous
transporte d’un sujet à l’autre, du coq à l’âne et par homophonie des
coco-boers friandises aux cocos militants.
Quand l’on nait, au sortir de la deuxième guerre mondiale
dans un milieu ouvrier, ils sont partout, très proches, tel oncle, ancien mutin de la mer noire,
mort prématurément d’une tumeur au cerveau et dont l’enterrement auquel vous
assistez gamin, diffère par sa liturgie
communiste, ses drapeaux rouge-sang rehaussant
le noir du deuil, de celle qui vous est coutumière dans cette Bretagne
fortement imprégnée de catholicisme.
Ailleurs à quelques encablures, quelques réfugiés
républicains espagnols fuyant le régime franquiste, d’autres italiens, le plus
souvent exilés économiques ou souhaitant mettre une frontière entre eux et le
Duce.
Quand on baigne dans ce bouillon de culture idéologique,
sauf à s’enfermer dans un bathyscaphe étanche, on en est imprégné pour la vie
d’autant qu’on ne souhaite pas forcément remonter à la surface, par fidélité,
souvent plus pour les personnages attachants, dévoués, tout simplement humains,
plus parfois que pour les idées véhiculées.
Ainsi, on se souvient d’un discours courageux de Georges
Marchaix en 1981 parlant très librement de stopper
l’immigration massive, pour faciliter l'intégration économique des immigrés
eux-mêmes et conscient qu’en période de crise économique et de chômage, les
tensions entre les communautés risqueraient de s’aviver. A cette époque, on ne
parlait pas encore de lepénisation des esprits.
Cette conscience de classe façonnée durant les années d’après guère s’est
délitée, la classe ouvrière, ou ce qu’il en reste est allée voir ailleurs idéologiquement
et géographiquement. Les plus démunis d’entre eux sont devenus des périurbains,
sortes d’immigrés de l’intérieur qui n’intéressent pas plus la gauche
terra-novienne que les ersatz exaltés
d’un communisme moribond.
Ce qui subsiste du parti et de ses satellites est déconnecté des couches populaires envers laquelle il tient
un discours inaudible avec des odes à l’immigration massive en agitant ses
hochets sociétaux. Celui est par contre bien reçu par les bataillons de ses
électeurs, souvent protégés par la sécurité de l’emploi et la préférence
nationale qu’ils détestent comme concept mais dont ils bénéficient.
Cette tendresse pour les cocos de
ma jeunesse ne peut pas faire oublier le bilan globalement positif de l’URSS
évoqué alors par la direction du PC,
passant ainsi par pertes et profits les millions de morts et déportés du
goulag.
Faut –il préférer Hitler au front populaire ? C’est cette phrase admirablement
biaisée, argument massue employé par les
rejetons de ce communisme envers leurs contradicteurs. Ces enfants de Sartre pour qui ‘’tout
anticommuniste était un chien’’, admirateurs du philosophe maoïste Alain Badiou,
zélateur enflammé du Kampuchéa démocratique, admirable oxymore, et de ses massacres de masse, qui m’a incitée à
écrire ce billet.
Plus maline que les insultes brutes de décoffrage ‘’facho ‘’ nazi’’
et autres quolibets destinés à déconsidérer le contradicteur, elle n’en est pas
moins aussi absurde que de demander à un enfant s’il préfère avaler une boisson
au chocolat qu’une cuillérée d’huile de foie de morue.
Il ne viendrait pas à ces brillants théoriciens l’idée saugrenue de
mettre sur l’autre plateau de la balance face à Adolf, le petit père des
peuples Joseph, ou encore Pol Pot, pas question pour eux d’envisager une gémellité
totalitaire et sanguinaire. Ils peuvent se déclarer communistes, crypto
communistes, trotskistes, maoïstes sans être comptables de rien.
C’est à un historien, ancien communiste, Alain Besançon, que l’on doit en
sciences humaines cette notion de
l’hypermnésie des crimes du nazisme et de l’amnésie de ceux des régimes
communistes. Il la définit comme un « déséquilibre entre la conscience
collective d'un fait historique et celle d'autres faits contemporains qui, eux,
sont l'objet d'amnésies collectives ». L’exemple le plus parlant qu’il
nous en donne est celui de l'hypermnésie de la Résistance par rapport à l'amnésie de
la Collaboration.
Plus modestement, et moins savamment, influencé par l’air du
temps, j’ai appelé ça le tri sélectif.
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