samedi 5 janvier 2013

La mémoire ou le tri sélectif



C’était un soir de nostalgie, ce genre de soir ou l’on se sent seul et triste, alors on recherche dans son passé, on plonge dans ses souvenirs, dans une espèce de contemplation de son enfance et les images surgissent, les saveurs réapparaissent.


Mon mistral gagnant à moi ce jour là , ce furent les’’coco boers’’ vendus dans leurs petites boites en fer blanc que l’on pouvait aspirer en perçant quelques trous et mélanger la salive avec cette poudre d’or au délicieux goût de réglisse. 


Ou bien encore, sa version enfermée dans un tube en verre ou en plastique qui coutait quelques centimes et parfois moins lorsque à la sortie de l’école nous entrions comme une volée de moineaux dans l’épicerie, ce qui permettait à certains d’entre nous, de tromper la vigilance de l’épicière.


Mais la nostalgie, c’est un peu comme un rêve éveillé, elle ne s’embarrasse pas forcément de vérité objective, ni de vraisemblance parfois. Elle gomme bien souvent les évènements et les souvenirs négatifs, vous transporte d’un sujet à l’autre, du coq à l’âne et par homophonie des coco-boers friandises aux cocos militants.


Quand l’on nait, au sortir de la deuxième guerre mondiale dans un milieu ouvrier, ils sont partout, très  proches, tel oncle, ancien mutin de la mer noire, mort prématurément d’une tumeur au cerveau et dont l’enterrement auquel vous assistez gamin,  diffère par sa liturgie communiste, ses drapeaux rouge-sang  rehaussant le noir du deuil, de celle qui vous est coutumière dans cette Bretagne fortement imprégnée de catholicisme.


Ailleurs à quelques encablures, quelques réfugiés républicains espagnols fuyant le régime franquiste, d’autres italiens, le plus souvent exilés économiques ou souhaitant mettre une frontière entre eux et le Duce.


Quand on baigne dans ce bouillon de culture idéologique, sauf à s’enfermer dans un bathyscaphe étanche, on en est imprégné pour la vie d’autant qu’on ne souhaite pas forcément remonter à la surface, par fidélité, souvent plus pour les personnages attachants, dévoués, tout simplement humains, plus parfois que pour les idées véhiculées.


Ainsi, on se souvient d’un discours courageux de Georges Marchaix  en 1981 parlant très librement de stopper l’immigration massive, pour faciliter l'intégration économique des immigrés eux-mêmes et conscient qu’en période de crise économique et de chômage, les tensions entre les communautés risqueraient de s’aviver. A cette époque, on ne parlait pas encore de lepénisation des esprits.


Cette conscience de classe façonnée durant les années d’après guère s’est délitée, la classe ouvrière, ou ce qu’il en reste est allée voir ailleurs idéologiquement et géographiquement. Les plus démunis d’entre eux sont devenus des périurbains, sortes d’immigrés de l’intérieur qui n’intéressent pas plus la gauche terra-novienne que  les ersatz exaltés d’un communisme moribond.


Ce qui subsiste  du parti  et de ses satellites est déconnecté  des couches populaires envers laquelle il tient un discours inaudible avec des odes à l’immigration massive en agitant ses hochets sociétaux. Celui est par contre bien reçu par les bataillons de ses électeurs, souvent protégés par la sécurité de l’emploi et la préférence nationale qu’ils détestent comme concept mais dont ils bénéficient. 


Cette tendresse  pour les cocos de ma jeunesse ne peut pas faire oublier le bilan globalement positif de l’URSS évoqué alors  par la direction du PC, passant ainsi par pertes et profits les millions de morts et déportés du goulag.


Faut –il préférer Hitler au front populaire ? C’est cette phrase admirablement biaisée, argument massue employé par  les rejetons de ce communisme envers leurs contradicteurs. Ces  enfants de Sartre pour qui ‘’tout anticommuniste était un chien’’, admirateurs du philosophe maoïste Alain Badiou, zélateur enflammé du Kampuchéa démocratique, admirable oxymore,  et de ses massacres de masse, qui m’a incitée à écrire ce billet.


Plus maline que les insultes brutes de décoffrage ‘’facho ‘’ nazi’’ et autres quolibets destinés à déconsidérer le contradicteur, elle n’en est pas moins aussi absurde que de demander à un enfant s’il préfère avaler une boisson au chocolat qu’une cuillérée d’huile de foie de morue.

 Il ne viendrait pas à ces brillants théoriciens l’idée saugrenue   de mettre sur l’autre plateau de la balance face à Adolf, le petit père des peuples Joseph,  ou encore Pol Pot,  pas question pour eux d’envisager une gémellité totalitaire et sanguinaire. Ils peuvent se déclarer communistes, crypto communistes, trotskistes, maoïstes  sans être comptables de rien.


C’est à un historien, ancien communiste, Alain Besançon, que l’on doit en sciences humaines cette  notion de l’hypermnésie des crimes du nazisme et de l’amnésie de ceux des régimes communistes. Il la définit comme un  « déséquilibre entre la conscience collective d'un fait historique et celle d'autres faits contemporains qui, eux, sont l'objet d'amnésies collectives ». L’exemple le plus parlant qu’il nous en donne est celui de l'hypermnésie de la Résistance par rapport à l'amnésie de la Collaboration.


Plus modestement, et moins savamment, influencé par l’air du temps, j’ai appelé ça le tri sélectif.


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