Tout le monde, ou presque, se souvient du poème de Prévert Une
pierre, deux maisons, trois ruines, quatre fossoyeurs etc.…et de l’angoissante et existentielle question de notre éternel jeune Jack Lang posée à un
contradicteur que Pierre Desproges qualifiait de frétillante endive frisée de la culture en cave « Mais
qu’avez-vous fait pour les jeunes ? »
Et les gouvernements successifs pendant plus de 30 ans de chanter
à l’unisson sur l’air de « La Complainte du Progrès » de Boris
Vian : Pactes pour l’emploi des jeunes, stages d’initiation à la vie professionnelle,
Travail d’utilité collective (TUC), Contrats emploi-solidarité (CES) jeunes,
Contrats Jeunes en Entreprise (CJE), contrats d’Insertion dans la vie sociale
(Civis) , Contrats d’autonomie, sans oublier les CIP de Balladur et les CNE de
Villepin mort-nés en raison du rejet de ces mêmes jeunes.
En fait, hormis les
deux derniers cités qui ne concernaient pas des emplois aidés mais prévoyaient
des salaires revus à la baisse, il s’agit du même système impliquant
essentiellement le secteur public et grosso modo le même nombre de personnes (
150.000 à 170.000). A changement de gouvernement, changement d’intitulé.
En parlant des Emplois jeunes, Philippe Muray évoquait en une sorte de job parade festive, un bataillon d’agents du développement du
patrimoine suivi presque aussitôt par un peloton d'accompagnateurs de détenus,
de compagnies d'agents de gestion locative, d'agents polyvalents, d'agents
d'ambiance, d'adjoints de sécurité, de coordinateurs petite enfance, d'agents
d'entretien des espaces naturels, d'agents de médiation, d'aides-éducateurs en
temps périscolaire, d'agents d'accueil des victimes etc..
Il
concluait nostalgique « Les métiers d'autrefois avaient une histoire,
un passé, un poids, et je parle même pas de leur utilité. Les emplois-jeunes
s'avancent légers. Ils ne pèsent rien. Ce sont des professions sans
emploi (...) Des mots sans engagement. Des vocables à durée déterminée»
Avec les Emplois d’Avenir, il faudra mettre à jour cette liste en y
adjoignant des agents de surveillance des prix à la pompe, des éducateurs
spécialisés en syntaxe, des lustreurs de piercings, des détendeurs de string, des
aides rédacteurs de récépissés près d’agents de sécurité analphabètes,des
apprenants du vouvoiement à ces mêmes
agents, et pour couronner le tout des aides-chercheurs en intitulés de métiers
aussi innovants que farfelus.
Et ajoutons pour faire bon compte, et cette fois ci, dans le
secteur marchand, les Emplois d’Avenir Carcéral que le Pole-Emploi n’a pas jugé
bon de répertorier, je pense à chouffeurs de keufs, charbonneurs de barrettes,
coupeurs de pains de cannabis, nourrices spécialisées etc.…
La désindustrialisation semblant inexorable, c’est donc dans
le secteur des services qu’il faut créer, innover, et plus particulièrement
dans les aides à la personne. Je suggère ici quelques pistes peu nombreuses,
pour ne pas lasser, dans une chronique déjà riche en énumérations fastidieuses,
et surtout par manque d’imagination : Donneur d’orgasmes à domicile,
vendeur d’organes en viager, démineur de conflits domestiques, tueur à gages
100% naturel.
La polyvalence, la mobilité, le sens de l’adaptation, le goût
de l’initiative étant les facteurs clés
de la réussite entrepreneuriale, je me propose de définir ci-dessous les applications concrètes de ces qualités
essentielles sur les quatre métiers cités ci-dessus.
Le Donneur d’orgasmes doit pouvoir à la demande du, ou de la
cliente, se déplacer sur le lieu de travail ou le lieu de villégiature, il peut proposer en
extra, un prêt de l’organe concerné pour une utilisation intime selon des
modalités à définir d’accord parties. Le vendeur d’organes, lui, doit faire preuve de souplesse dans les modes
de paiement, le crédit, le leasing peuvent être envisagés. IL peut aussi, une
fois sur place prodiguer un orgasme à la personne receveuse. Dans ce cas
précis, il s’interdira de facturer deux fois les frais de déplacement.
Les deux dernières professions dont les champs d’activités sont très proches devront
faire l’objet d’une réglementation très précise. Si, selon les situations,
elles peuvent être interchangeables, seul le tueur à gages 100% naturel pourra
exercer son activité avec ses seules mains. IL ne pourra s’exonérer de cette
contrainte que dans des cas bien précis définis par le législateur.
Dans cette dernière hypothèse, tout comme le démineur de
conflits, il pourra utiliser à sa convenance d’autres moyens plus
conventionnels, armes à feu, mort aux rats, lacets de chaussures etc.
Je sens poindre chez
le lecteur irrité deux objections, la première concerne la référence abusive à
des disparus : Prévert, Desproges,Vian,Muray. Faire parler les morts,
n’est ce pas le domaine de la médecine légale ? Je répondrai simplement
qu’il s’agit là de quelques membres permanents de mon petit panthéon personnel.
Par conséquent, objection rejetée, votre honneur.
La deuxième, je me la suis auto objectée par anticipation,
par empathie pour les personnes concernées, par compassion également pour les Gilets Rouges de la SNCF, « punching ball low
coast » de voyageurs acariâtres lors des grèves ou des départs en
vacances.
Ironiser sur les emplois d’avenir, ce n’est en aucun cas, se
moquer des personnes concernées, c’est relever l’impuissance des pouvoirs
publics depuis des décennies, à régler le problème, c’est aussi constater l’absurdité de cette situation et
finir par admettre qu’il s’agit là, d’un pis aller indispensable.
Ceci étant dit, outre le fait que cette mesure n’a rien de
novatrice, comme on essaye de nous la vendre, sa réitération depuis 30 ans est
la preuve flagrante de l’échec de notre pays en matière de formation et
d’apprentissage.
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