vendredi 7 décembre 2012

La phobie, une aversion grecque



On le sait maintenant à moins d’être sourd, on a beaucoup prêté aux grecs et l’on prête encore, mais la vérité nous oblige à reconnaitre  que l’on a aussi emprunté et que l’on continue à puiser dans la langue d’Homère, notamment des suffixes permettant d’exprimer nos sentiments.

On leur a prêté aussi souvent des mœurs dissolus, il fut une époque, pas si lointaine, ou l’on envoyait son contradicteur se faire voir chez les grecs. Quant l’on voulait se faire plus précis, il était question qu’il aille se faire ‘’empapaouter’’ chez les hellènes, cela relevait bien sur un peu de la circonvolution langagière, une façon en quelque sorte de tourner autour du pot, si vous me permettez l’expression.

Depuis l’on est beaucoup plus précis et l’on se passe désormais du grec pour exprimer sa colère ou son désir de voir l’autre élargir le cercle de ses relations pour rester circonvolutif.

Le suffixe phobie a en ce moment beaucoup de succès accolé à Islam ou homo ou il y a quelque temps à Sarko,  mais il ne semble pas s’atteler facilement aux autres religions, aux autres pratiques sexuelles, ni même aux autres hommes politiques. 

Ainsi est-il très rare d’entendre parler, de catholicophobie ou plus généralement de christianophobie, et d’hétérophobie, ni même d’hollandophobie. La judéophobie semble avoir quelques adeptes mais ne parait pas en mesure de surpasser l’indémodable antisémitisme composé lui avec le préfixe anti.

C’est la médecine et notamment la psychiatrie qui a introduit ces néologismes au XIXe siècle pour nommer  certaines névroses ou maladies mentales telles l’agoraphobie, l’acrophobie, l’hydrophobie ou autre dysmorphophobie.

Selon les différents dictionnaires la phobie issue du grec ancien phobos désignerait une peur irrationnelle, entrainant une aversion, un dégout et même plus comme dans le mot  xénophobe qui est utilisé pour nommer celui qui a la haine de l’étranger.

Si je bouffe du curé à mon petit déjeuner, que j’ajoute de l’eau bénite à mon pastis et que j’aime à émettre des pets de nonnes en société, je suis sans doute anti clérical mais surtout un libre penseur. Et en tout état de cause mon discernement n’est pas plus altéré qu’un irlandais le jour de la saint Patrick.

Par contre, si je mange du cochon à tous les repas, que l’appel du muezzin m’incite à rester sous la couette pour me livrer à une activité libidineuse et que je répugne à faire la conversation à une charmante demoiselle toute de burka vêtue, je risque d’être taxé d’islamophobie. Ce qui relève, selon les créateurs de ce néologisme de la pathologie et non de la liberté de penser.

Phobophobie, philophobie, phobophilie, tout cela me donne un peu le tournis, je sens que je file un   mauvais coton hydrophile. Un jour, après avoir lu l’essai de Benoit Rayski sur Sarko ‘’l’homme que vous aimez haïr’’, je me suis risqué à créer un  nouveau néologisme, moi qui n’avais jusqu’à présent rien inventé, même pas le ‘’phil’’  à couper le beurre,  la sarkophobophilie ou bien la sarkophilophobie, je n’ai pas encore tranché.

Enfin, je dis inventer, je m’avance peut être un peu, comme dirait le célèbre plagiaire médiatique Joseph Macé-Scaron, on n’écrit jamais ‘’ex nihilo’’ et le plagiat n’est que le droit à l’intertextualité, comme la plage du cap d’Agde est une invitation à  l’intersexualité.

Si je n’ai rien vu  en tapant le premier sur Google, j’ai trouvé ‘’post 'aliquanto’ deux références sur le deuxième. Comme vous le constaterez, afin d’écrire sur deux pieds, le grec et le latin, et non pas comme un pied,  je me suis rué sur les pages roses de mon Larousse afin d’émailler ce billet de deux expressions latines. Ceci afin de montrer mon ouverture d’esprit et mon absence totale de préjugés.

Mais le grec, heureusement, n’est pas qu’angoisse, peur, aversion, il est aussi amour, passion. Ainsi sommes-nous haltérophiles, cinéphiles, colombophiles, bibliophiles, homophiles etc. Parfois, l’amour est coupable et le suffixe malheureux comme dans le cas de la pédophilie. 

Dans ma jeunesse, on parlait de pédérastie, ce qui a donné en langage courant et employé à tort et à travers, pédé. Ce mot fabriqué à partir du grec ancien paid (enfant) et de érastes (amant) me semble moins ambigu et plus approprié que pédophile. Mais je ne suis ni un grec ancien, ni désireux  de devenir dans l’état actuel du pays un grec moderne, aussi je me garderai bien de prendre parti pour l’un ou pour l’autre.

De tous ces ‘’philes’’ conducteurs, un autre inventé par la médecine me paraît également pour le moins malheureux, l’hémophilie, qu’un étymologiste débutant pourrait assimiler au vampirisme.
Même, si je suis un béotien, ce que vous traduirez certainement par ‘’individu grossier et ignorant’’ je conteste l’opposition entre phobe et phile, entre angoisse et amour. J’aimerais substituer à phobe , l’affixe mis-miso.

 Ne dit on pas misogyne, misanthrope, misogame, misandrie, et même mise en bière, comme le souffle finement derrière mon épaule un ami de passage que je n’ai pourtant pas mis à contribution.

Et comme je ne suis pas à une contradiction près, je confesse néanmoins avoir quelques travers plus proches de l’aversion que de la haine. Par exemple, je ne suis pas misomamère mais mamèrophobe. Ne vous méprenez pas, je ne vous parle pas d’un quelconque désamour filial envers ma génitrice, mais d’une aversion mêlée d’angoisse quand j’entrevois la moustache du maire de Begles dans la petite lucarne. 

Cet attribut pileux si sympathique chez Brassens m’horripile au sens littéral du terme chez ce politicien pastèque, vert à l’extérieur, rouge à l’intérieur, que seule, une vigoureuse pression exercée de haut en bas par mon majeur sur un des boutons de ma zapette est de nature à stopper l’éruption imminente de psoriasis.

Je me demande même si mon peu d’enthousiasme pour ‘le mariage pour tous’ sorte de glissement sémantique pour ne pas dire les choses n’est pas la conséquence de la  douloureuse perspective qu’il entrainera, la possibilité légale qui me sera offerte, sans commettre l’inceste, de convoler en justes noces avec  mamère qui devrait bientôt être rebaptisé par le code civil monparent. 

Frustré dans ma jeunesse, de ne pas avoir goûté aux joies des exercices de versions latines, je me suis permis en graphophile invétéré de me payer à peu de frais compte tenu de la situation économique cette aversion grecque que je me propose de partager avec vous si vous n’êtes ni hellénophobe ni un mamérophile convaincu.    

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