On le sait maintenant à moins d’être sourd, on a beaucoup
prêté aux grecs et l’on prête encore, mais la vérité nous oblige à
reconnaitre que l’on a aussi emprunté et
que l’on continue à puiser dans la langue d’Homère, notamment des suffixes
permettant d’exprimer nos sentiments.
On leur a prêté aussi souvent des mœurs dissolus, il fut une
époque, pas si lointaine, ou l’on envoyait son contradicteur se faire voir chez
les grecs. Quant l’on voulait se faire plus précis, il était question qu’il aille
se faire ‘’empapaouter’’ chez les hellènes, cela relevait bien sur un peu de la
circonvolution langagière, une façon en quelque sorte de tourner autour du pot,
si vous me permettez l’expression.
Depuis l’on est beaucoup plus précis et l’on se passe
désormais du grec pour exprimer sa colère ou son désir de voir l’autre élargir
le cercle de ses relations pour rester circonvolutif.
Le suffixe phobie a en ce moment beaucoup de succès accolé à
Islam ou homo ou il y a quelque temps à Sarko,
mais il ne semble pas s’atteler facilement aux autres religions, aux
autres pratiques sexuelles, ni même aux autres hommes politiques.
Ainsi est-il très rare d’entendre parler, de catholicophobie
ou plus généralement de christianophobie, et d’hétérophobie, ni même
d’hollandophobie. La judéophobie semble avoir quelques adeptes mais ne parait
pas en mesure de surpasser l’indémodable antisémitisme composé lui avec le
préfixe anti.
C’est la médecine et notamment la psychiatrie qui a
introduit ces néologismes au XIXe siècle pour nommer certaines névroses ou maladies mentales
telles l’agoraphobie, l’acrophobie, l’hydrophobie ou autre dysmorphophobie.
Selon les différents dictionnaires la phobie issue du grec
ancien phobos désignerait une peur irrationnelle, entrainant une aversion, un
dégout et même plus comme dans le mot
xénophobe qui est utilisé pour nommer celui qui a la haine de
l’étranger.
Si je bouffe du curé à mon petit déjeuner, que j’ajoute de
l’eau bénite à mon pastis et que j’aime à émettre des pets de nonnes en
société, je suis sans doute anti clérical mais surtout un libre penseur. Et en
tout état de cause mon discernement n’est pas plus altéré qu’un irlandais le
jour de la saint Patrick.
Par contre, si je mange du cochon à tous les repas, que
l’appel du muezzin m’incite à rester sous la couette pour me livrer à une
activité libidineuse et que je répugne à faire la conversation à une charmante
demoiselle toute de burka vêtue, je risque d’être taxé d’islamophobie. Ce qui relève,
selon les créateurs de ce néologisme de la pathologie et non de la liberté de
penser.
Phobophobie, philophobie, phobophilie, tout cela me donne un
peu le tournis, je sens que je file un
mauvais coton hydrophile. Un jour, après avoir lu l’essai de Benoit
Rayski sur Sarko ‘’l’homme que vous aimez haïr’’, je me suis risqué à créer
un nouveau néologisme, moi qui n’avais
jusqu’à présent rien inventé, même pas le ‘’phil’’ à couper le beurre, la sarkophobophilie ou bien la
sarkophilophobie, je n’ai pas encore tranché.
Enfin, je dis inventer, je m’avance peut être un peu, comme
dirait le célèbre plagiaire médiatique Joseph Macé-Scaron, on n’écrit jamais
‘’ex nihilo’’ et le plagiat n’est que le droit à l’intertextualité, comme la
plage du cap d’Agde est une invitation à l’intersexualité.
Si je n’ai rien vu en
tapant le premier sur Google, j’ai trouvé ‘’post 'aliquanto’ deux références
sur le deuxième. Comme vous le constaterez, afin d’écrire sur deux pieds, le
grec et le latin, et non pas comme un pied,
je me suis rué sur les pages roses de mon Larousse afin d’émailler ce
billet de deux expressions latines. Ceci afin de montrer mon ouverture d’esprit
et mon absence totale de préjugés.
Mais le grec, heureusement, n’est pas qu’angoisse, peur,
aversion, il est aussi amour, passion. Ainsi sommes-nous haltérophiles,
cinéphiles, colombophiles, bibliophiles, homophiles etc. Parfois, l’amour est
coupable et le suffixe malheureux comme dans le cas de la pédophilie.
Dans ma jeunesse, on parlait de pédérastie, ce qui a donné
en langage courant et employé à tort et à travers, pédé. Ce mot fabriqué à
partir du grec ancien paid (enfant) et de érastes (amant) me semble moins
ambigu et plus approprié que pédophile. Mais je ne suis ni un grec ancien, ni
désireux de devenir dans l’état actuel
du pays un grec moderne, aussi je me garderai bien de prendre parti pour l’un
ou pour l’autre.
De tous ces ‘’philes’’ conducteurs, un autre inventé par la
médecine me paraît également pour le moins malheureux, l’hémophilie, qu’un étymologiste
débutant pourrait assimiler au vampirisme.
Même, si je suis un béotien, ce que vous traduirez
certainement par ‘’individu grossier et ignorant’’ je conteste l’opposition
entre phobe et phile, entre angoisse et amour. J’aimerais substituer à phobe ,
l’affixe mis-miso.
Ne dit on pas
misogyne, misanthrope, misogame, misandrie, et même mise en bière, comme le
souffle finement derrière mon épaule un ami de passage que je n’ai pourtant pas
mis à contribution.
Et comme je ne suis pas à une contradiction près, je
confesse néanmoins avoir quelques travers plus proches de l’aversion que de la
haine. Par exemple, je ne suis pas misomamère mais mamèrophobe. Ne vous
méprenez pas, je ne vous parle pas d’un quelconque désamour filial envers ma
génitrice, mais d’une aversion mêlée d’angoisse quand j’entrevois la moustache
du maire de Begles dans la petite lucarne.
Cet attribut pileux si sympathique chez Brassens m’horripile
au sens littéral du terme chez ce politicien pastèque, vert à l’extérieur,
rouge à l’intérieur, que seule, une vigoureuse pression exercée de haut en bas
par mon majeur sur un des boutons de ma zapette est de nature à stopper
l’éruption imminente de psoriasis.
Je me demande même si mon peu d’enthousiasme pour ‘le
mariage pour tous’ sorte de glissement sémantique pour ne pas dire les choses
n’est pas la conséquence de la
douloureuse perspective qu’il entrainera, la possibilité légale qui me
sera offerte, sans commettre l’inceste, de convoler en justes noces avec mamère qui devrait bientôt être rebaptisé par
le code civil monparent.
Frustré dans ma jeunesse, de ne pas avoir goûté aux joies
des exercices de versions latines, je me suis permis en graphophile invétéré de
me payer à peu de frais compte tenu de la situation économique cette aversion
grecque que je me propose de partager avec vous si vous n’êtes ni hellénophobe ni
un mamérophile convaincu.
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